Suisse – une semaine dans la douceur

Le gravier crépite sous nos roues, alors que le vent siffle à nos oreilles. A intervalle régulier, un petit caillou vient faire chanter les rayons, rebondissant et pianotant en sonnant de joyeuses notes. Enfin il retentit à nouveau, le bruit de la route, le concert du vélo. Sous nos coups de pédales plein d’entrain, le terrain s’aplatit et Urs bondit de sa mobilité retrouvé.

La semaine avait pourtant commencé à merveille. Après avoir laissé notre dernier compère, nous avons tracé notre route en direction du nord-est, pour amorcer un grand arc de cercle qui nous permettra d’éviter les Alpes, à travers l’Allemagne et l’Autriche. Les kilomètres filent et, peu à peu, nous nous immergeons dans notre nouveau quotidien. Rouler, admirer, manger, se reposer. Les premières étapes sont courtes, à dessein. Mais rapidement les journées s’allongent, les distances de même. La fraîcheur printanière laisse la place à l’été qui s’installe, soudainement. Les plantes suivent le mouvement, tchoum! Au grand dam du moteur arrière dont les yeux et le nez coulent abondamment lorsque nous traversons les nuages de pollen, jaunes, emportés par le vent.

Après quatre jours qui nous ont mené jusqu’à Schaffhouse à travers les collines du plateau Suisse et les très pittoresques (bien qu’achalandées) chutes du Rhin, Urs nous fait le premier coup de la panne. Un déraillement sonore, suivi d’un arrêt brutal – 200kg en équilibre précaire sur deux roues n’est que stable de manière douteuse – et voilà la chaîne coincée entre le cadre et le petit plateau. Cela s’annonce mal. Sûr de mon fait, je me gargarise d’avoir emporté avec nous une somme incalculable d’outils variés et de diverses pièces de rechange. Le tandem est aussitôt déchargé, mis sur le dos et ausculté. Le diagnostique tombe rapidement, tranchant et évident: petit plateau. La réparation à coups de clef à molette est, elle, boiteuse. Les mains pleines de cambouis, nous repartons non sans mal. Nous voilà amputé du premier plateau, les montées sont dorénavant (très) douloureuses. Qu’à cela ne tienne, nous réparerons au camping.

Nous voilà donc reparti le long des berges du Rhin, fort heureusement à plat, sous le regard des passants mi-amusés mi-interloqués par l’inhabituel attelage que nous formons. Après avoir écumé plusieurs solutions, nous échouons finalement à Wagenhausen et dans son très accueillant (et surtout avec de la place) camping. Bien nous en a pris.

Aussitôt le camp monté, Urs finit à nouveau les deux roues en l’air, ses guidons dans l’herbe. Le tournevis dans un main, un tutoriel vidéo pour régler la tension des plateaux dans l’autre, je m’échine. Difficulté: 1/5. Ça aurait dû être à ma portée. Pourtant, rien n’y fait. Pauline vient à la rescousse. On visse, dévisse, toujours rien. On insiste.

Shlonk!

Ah! Oups?

Là, il s’est passé quelque chose: le câble du dérailleur a littéralement explosé. Il n’y a pas d’autres mots. Les apprentis mécanos, penauds, devront attendre la fin du weekend prolongé pour pousser un Urs abîmé jusqu’au centre de réparation le plus proche.

Fort heureusement, les peines s’achèveront là. Un mécanicien à Stein am Rhein fort bien luné, sympathique et efficace au demeurant, nous tirera de ce faux pas. Sans oublier de nous donner de précieux conseils d’entretien dans un allglais très académique (et sans avoir noté l’hasardeuse réparation du plateau). A nouveau en selle, Urs bondit en avant et nous entraîne par delà notre première frontière – certes peu exotique -, l’Allemagne!